Equivalent moderne du blanc de plomb ou céruse
Reconstitution de la recette du Blanc de Plomb selon Vitruve
« Il n’est point hors de propos de dire ici comment on prépare la céruse. Les Rhodiens mettent des sarments dans des tonneaux au fond desquels ils versent du vinaigre. Sur ces sarments, ils placent des lames de plomb puis, on ferme soigneusement les tonneaux pour que leur contenu ne perde rien de sa force. Après un temps déterminé, on ouvre et les morceaux de plomb se trouvent convertis en céruse. » (Vitruve, De l’architecture, livre septième), 1er siècle avant J.-C..
Le produit le plus symbolique des fards antiques est certainement un matériau qui semble avoir été inventé à cette époque, synthétisé à partir de plomb et dénommé psymithion en grec, puis cerusa en latin.
L’usage de ce pigment, appelé aujourd’hui céruse ou blanc de plomb est décrit par des auteurs aussi variés que Platon, Aristophane, Xénophon, Lucien, etc. et restera prédominant pour le maquillage et la peinture artistique jusqu’à récemment.
Son mode de préparation est relativement aisé et, il restera quasi inchangé jusqu’au 20e siècle, comme l’indiquent les recettes de préparation décrites par Théophraste dès le 4ème siècle avant notre ère, puis par Pline l’Ancien, Vitruve et Dioscoride.
Cette matière est retrouvée dans différents flacons, notamment dans des vases en céramiques (lekanis), sous la forme de pastille dans le cas de la découverte du cimetière du Keramicos à Athènes (photo en icone).
La préparation suivait les étapes suivantes : tout d’abord, une attaque chimique du plomb métallique (sous forme de feuilles, de copeaux ou de grilles) par les vapeurs d’acide acétique issues du vinaigre ; ensuite une transformation en carbonate dans un milieu en fermentation (fumier, tannée), puis un broyage et parfois une mise en forme de la poudre obtenue en pastille. Pline l’Ancien avait décrit en détail la synthèse de ce pigment mais aussi son intérêt et ses limites pour la santé, soulignant que la céruse a les même propriétés que les autres produits blancs employables comme fard, « mais c’est la plus douce de toutes ; en outre, les femmes l’emploient pour se blanchir le teint. Pour l’usage interne, c’est un poison” (Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, XXXIV, 54). Les dangers de cet usage de composés de plomb sont fréquemment signalés et participent à la controverse sur l’intérêt du produit, qui fait que le visage des femmes peut devenir « plein de vilaines taches, tel un épouvantail » (Galien, Adhortatio ad artes addiscendas, 10).
La céruse est d’un blanc éclatant et d’un pouvoir couvrant exceptionnel, tant à cause de ses propriétés intrinsèques (indice de réfraction de la lumière) que de sa technique de synthèse chimique qui peut conduire, dans certaines conditions, à la formation de très petits grains en forme de plaquettes très fines qui peuvent ainsi aisément recouvrir la surface de la peau . Des études par diffraction des rayons X à l’installation européenne de rayonnement synchrotron de Grenoble (ESRF) ont permis de préciser la nature de ces substances et la forme de leurs grains, à la fois sur des échantillons archéologiques et sur des matières reconstituées en laboratoire. C’est certainement ces propriétés qui ont fait que la céruse est devenue la matière de référence pour le maquillage mais aussi pour la peinture.
Références :
Classification of lead white pigments using synchrotron radiation micro X-ray diffraction. Applied Physics a-Materials Science & Processing 2007, 89 (4), 825-832. DOI 10.1007/s00339-007-4217-0
Investigation of white pigments used as make-up during the Greco-Roman period. Applied Physics a-Materials Science & Processing 2006, 83 (4), 551-556. DOI 10.1007/s00339-006-3559-3